Introduction
Pour ce qui concerne la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées (démence vasculaire, démence à corps de Lewy, démence associée à une maladie de Parkinson, dégénérescence lobaire fronto-temporale, maladie de Creutzfeldt-Jakob), la Haute Autorité de Santé a publié différents documents dont : une « Liste des Actes et Prestations – Affection de Longue Durée » (LAP - ALD) et des « recommandations professionnelles ».
Les recommandations professionnelles datent de mars 2008. Les principales questions traitées relèvent du diagnostic de la maladie et des maladies apparentées, de l'annonce du diagnostic, des traitements médicamenteux spécifiques, des traitements des symptômes comportementaux et psychologiques des démences, des interventions non médicamenteuses, des interventions auprès des aidants, du suivi du malade.
Les recommandations professionnelles mentionnent explicitement que la prise en charge des malades Alzheimer (et maladies apparentées) « nécessite des compétences pluridisciplinaires, faisant intervenir des professionnels d’horizons et de pratiques différents ».
L'évaluation initiale
Un diagnostic précoce n'est pas recommandé de manière systématique pour toute la population. Il peut être réalisé pour les personnes ressentant une diminution de leurs facultés cognitives, aux personnes chez lesquelles l'entourage aura remarqué des troubles cognitifs ou des changements comportementaux inexpliqués, aux patients pour lesquels un déclin cognitif a été diagnostiqué.
L'évaluation initiale comprendra :
-
un entretien avec le patient (et avec un proche, si possible) sur les antécédents médicaux personnels et familiaux, les traitements antérieurs et actuels, le niveau d’éducation, l’activité professionnelle, l'histoire de la maladie, le changement de comportement et le retentissement des troubles sur les activités quotidiennes ;
-
une évaluation cognitive globale en utilisant différents outils dont le MMSE (Mini Mental State Evaluation ou Mini-Évaluation de l'État Mental) ;
-
une évaluation fonctionnelle pour apprécier le retentissement des troubles cognitifs sur les activités de la vie quotidienne ;
-
une évaluation thymique (qui concerne l'humeur) et comportementale pour apprécier si le malade est sujet à une dépression ou à d'autres troubles affectifs, comportementaux ou psychiatriques (troubles du sommeil, apathie, dépression, anxiété, hyperémotivité, irritabilité, agressivité, hallucinations, idées délirantes, etc.) ;
-
un examen clinique pour apprécier l'état général et cardiovasculaire, le degré de vigilance, les déficits sensoriels et moteurs ;
-
une recherche de comorbidités (dépression, anxiété, maladie cardio-vasculaire, dénutrition, insuffisance rénale, trouble métabolique, apnées du sommeil, complication iatrogène, prise de toxiques, etc.).
L'évaluation initiale sera suivie :
-
d'une prise en charge conjointe par le médecin traitant et le spécialiste si l'évaluation conclut à un déclin cognitif,
-
par des examens complémentaires approfondis (neurologique, neuropsychologique, psychiatrique) en cas de doute ou de symptômes atypiques,
-
par une proposition de nouvelle évaluation ultérieure (6 mois à un an plus tard) qui permettra d'évaluer l'évolution des fonctions cognitives du patient si celles-ci sont considérées comme normale lors de l'évaluation initiale.
Les examens complémentaires
Des examens complémentaires, en cas de doute ou de symptômes atypiques, permettront de rechercher d'autres causes aux troubles du patient. Ils comprennent des examens biologiques (hypophyse, sang, calcium, sucre, reins, vitamine B12, folates, foie, infections particulières), des examens radiologiques (IRM ou, à défaut, scanner), une analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) avec des recherches de molécules spécifiques dans les cas jeunes. Les examens génétiques ne sont pas recommandés sauf si des antécédents familiaux jeunes existent.
L'annonce du diagnostic
Le Code de la santé publique indique que « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». En conséquence, la HAS recommande d'annoncer le diagnostic au patient tout en tenant compte de la réceptivité de la personne, de « l'histoire de vie du patient, sa représentation de la maladie et ses craintes, ce qui peut nécessiter un travail préalable avec le médecin traitant et la famille ». Cette annonce peut être faite en plusieurs étapes. Elle se fait en coordination entre le médecin traitant et le spécialiste et c'est celui qui a établi le diagnostic qui en est responsable. En cas de diagnostic précoce, quand le malade a encore des capacités suffisantes, le médecin doit lui demander s'il souhaite que le diagnostic soit communiqué à des tiers. En cas de diagnostic tardif, l'annonce du diagnostic aux proches est recommandé car elle leur permet de comprendre ce qui s'est passé jusque là, de donner du sens aux difficultés qu'ils ont vécues.
Plan de soins et d'aide
Le diagnostic doit être suivi de la mise en place d'un plan de soins et d'aides, suivi et réévalué régulièrement. Ce plan comprend :
-
une prise en charge thérapeutique médicamenteuse et non médicamenteuse ;
-
une prise en charge médico-socio-psychologique coordonnée du patient et de son entourage ;
-
d’éventuelles mesures juridiques.
Traitement médicamenteux spécifiques (voir également les médicaments spécifiques)
La Haute Autorité de Santé distingue quatre phases dans la maladie :
-
au stade léger, seul un médicament inhibiteur de la cholinestérase sera prescrit ;
-
au stade modéré, soit un inhibiteur de la cholinestérase, soit un antiglutamate sera prescrit (un des deux seulement) ;
-
au stade sévère, seul un antiglutamate sera prescrit ;
-
au stade très sévère, l'arrêt des traitements médicamenteux doit être envisagé « lorsque l’interaction avec le patient n’est plus évidente, en tenant compte de l’ensemble du contexte et au cas par cas ».
Les traitements commencent à la dose minimale avec une augmentation progressive jusqu'à la dose maximale préconisée et tolérée, avec un ajustement après un mois par un médecin chargé du suivi du malade. Il convient de changer de médicament en cas d'intolérance dans les stades léger ou modéré.
En cas d'évolution rapide
En cas de déclin cognitif rapide ou de modification comportementale, il convient de rechercher :
-
des comorbidités neurologiques ou autres (maladies ayant un impact sur les symptômes),
-
une douleur,
-
une conséquence néfaste des traitements (cause iatrogène),
-
une évolution de l'environnement (par exemple un épuisement de l'aidant),
-
une dépression (la dépression accompagne très fréquemment la maladie d'Alzheimer).
Traitements des symptômes comportementaux et psychologiques des démences (SCPD)
Des troubles peuvent subvenir en même temps que la maladie d'Alzheimer : cris, agitation, agressivité, déambulation, irritabilité. Ils impliquent en premier lieu d'évaluer et, éventuellement, de modifier l'environnement du malade. La Haute Autorité de Santé préconise d'éviter le recours aux antipsychotiques et aux sédatifs (médicaments pour calmer le malade) en raison des effets secondaires de ceux-ci, sauf si les autres mesures se révèlent insuffisantes. Les sédatifs doivent être prescrits pour de courtes périodes uniquement. Le choix des médicaments doit être fait soigneusement avec des classes limitées de médicaments (problèmes de compatibilité avec les médicaments spécifiques, effets sur les comorbidités, risques connexes...).
Interventions non médicamenteuses
Si la Haute Autorité de Santé indique la difficulté d'évaluer l'efficacité des interventions non médicamenteuses, elle recommande néanmoins :
-
des aides à domicile par du personnel suffisamment formé,
-
la prise en charge évolutive et adaptée en orthophonie à différents stades de la maladie (aider le malade et son entourage à maintenir et adapter les fonctions de communication, troubles de déglutition),
-
les interventions portant sur la cognition pour ralentir la perte d'autonomie dans les activités quotidiennes et initiées par les psychologues, psychomotriciens, orthophonistes, prolongée par les aidants,
-
les interventions portant sur les activités motrices (marche, capacité physique, prévention des chutes, impact sur les capacités cognitives, fonctionnelles et comportementales) par les aidants avec l'aide éventuelle de kinésithérapeutes, de psychomotriciens et d’ergothérapeutes,
-
les interventions portant sur le comportement : « La musicothérapie, l’aromathérapie, la stimulation multisensorielle, la rééducation de l’orientation, la reminiscence therapy, la thérapie assistée d’animaux, les massages, la thérapie de présence simulée (vidéo familiale) et la luminothérapie pourraient améliorer certains aspects du comportement ».
Interventions portant sur le fardeau de vie et programme d’éducation et de soutien des aidants
« Il est recommandé que les aidants, familiaux comme professionnels, reçoivent une information sur la maladie, sa prise en charge et sur l’existence d’associations de familles » sous différentes formes au choix des aidants (individuel ou en groupe, groupes de soutien, téléphone ou internet, cours, thérapie familiale) par les différents acteurs en place (associations de famille, CLIC, accueils de jour, réseaux...).
La Haute Autorité de Santé insiste sur la prise en charge des aidants souffrant psychologiquement.
Suivi du malade
Il est piloté par le médecin traitant et fait intervenir un spécialiste (neurologue, gériatre ou psychiatre).
Le médecin traitant intervient au minimum tous les trois mois pour effectuer un suivi courant du malade (état de santé, comorbidités éventuelles, observance, tolérance et efficacité des traitements et interventions).
Le spécialiste intervient environ six mois après le diagnostic puis au minimum tous les ans et il a pour objet de réévaluer et d'ajuster le diagnostic, le traitement médicamenteux, la prise en charge. Il permet également de répondre aux questions du patient et de ses proches.
Tous les six mois, le médecin traitant met en place un suivi standardisé (qui peut se faire de différentes manières notamment dans des institutions médicales) qui prend en compte :
-
une évaluation médicale du patient,
-
une évaluation médicale de l'aidant ou des proches (qui peut aller jusqu'à une consultation spécifique),
-
une évaluation sociale et juridique (mise en évidence de certaines situations à risque comme la conduite automobile, les risques financiers, les risques de l'environnement et en particulier les risques domestiques, l'isolement du malade et de l'aidant, la protection juridique du malade, la maltraitance...),
-
une évaluation, proposition et ajustement des aides (médicaments, aides à domicile, ergothérapie-psychomotricité, kinésithérapie, orthophonie, soutien psychologique (individuel ou groupe de parole), accueil de jour, voire accueil temporaire, etc., informations diverses notamment sur les associations de familles, modalité de fonctionnement de la coordination autour du malade).
Hospitalisation
Compte tenu des risques, les hospitalisations sont à réserver aux cas d'urgence (pathologies aiguës graves ou danger du patient pour lui-même ou son entourage), ou aux cas programmés (examens ou diagnostics spécifiques, environnement temporairement non favorable).
Entrée en institution
C'est un processus qui doit être envisagé à l'avance, s'il est nécessaire, ce qui n'est pas toujours le cas. La décision est à prendre collégialement entre le malade, sa famille, ses soignants. Le processus, difficile à vivre pour toutes les personnes concernées, nécessite un accompagnement spécifique. La responsabilité de la prise en charge de la maladie passe du médecin traitant au médecin de l'établissement (institution) et une collaboration entre ces deux professionnels doit être mise en place pour un bon passage de témoin.
Il est à noter que la Haute Autorité de Santé prévoit de publier une « Recommandation sur la prise en charge de l'apathie au cours de la maladie d'Alzheimer » en mars 2012 et destinées également aux professionnels.