La protection juridique deviendra nécessaire quand il ne sera plus possible au malade de veiller correctement à ses affaires. Normalement, une personne majeure (plus de 18 ans) est considérée comme juridiquement apte à réaliser tous les actes de la vie civile et notamment à administrer et disposer de tous ses biens personnels. Toutefois, la loi prévoit la possibilité de protéger un adulte « qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts » (« loi portant réforme du droit des incapables majeurs » du 3 janvier 1968).
Trois régimes juridiques principaux permettent de protéger le malade contre lui-même (dons exorbitants, aliénations de biens, prodigalité, intempérance...) ou contre des tiers (escroqueries diverses, pressions, intimidations...) : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle pour aller de la plus légère à la plus stricte. Ces régimes sont modulables ce qui fait qu'il existe une continuité d'évolution dans le degré de protection de la personne concernée suivant les réglages précis décidés par le juge des tutelles qui, au tribunal d'instance, prend les décisions de protection.
Il convient de savoir que le nombre de personnes sous protection juridique est important puisque cela concerne environ 700.000 personnes en France.
Il convient de prévoir que les délais nécessaires pour la mise en place d'un nouveau statut de protection sont relativement longs (près d'un an dans certains tribunaux) notamment du fait de la réforme intervenue en 2009 qui implique une reprise des dossiers antérieurs par la justice. Toutefois, la mise sous sauvegarde de justice peut être beaucoup plus rapide, en passant notamment par la voie médicale (médecin traitant plus visite de confirmation auprès d'un spécialiste agréé).
Comment procéder ?
Un tableau ci-dessous récapitule les principales différences existant entre les trois grands régimes de protection juridique et leurs principales variantes. Quelques articles supplémentaires donneront, dans les jours qui viennent, des informations plus précises. Pour une mise en place effective, vous pouvez vous faire conseiller par un notaire ou un avocat ou vous renseigner au greffe du tribunal d'instance du domicile de la personne concernée. Les coordonnées des tribunaux peuvent être trouvées dans l'annuaire ou sur le site du ministère de la Justice : http://www.justice.gouv.fr/recherche-juridictions/consult.php
Les régimes de protection juridique pour le malade Alzheimer
Régime juridique | Sauvegarde de justice | Sauvegarde avec mandataire | Curatelle | Curatelle renforcée | Tutelle |
Stade maladie | Premier stade | Premier stade avancé | Fin de premier stade | Deuxième stade | Deuxième stade avancé |
Décision | Juge des tutelles ou procureur de la République | Juges de tutelles | Jugement par le Juge des tutelles après une première audience préparatoire |
Mandataire | Non | Mandataire spécial | Curateur | Curateur | Tuteur + Conseil de famille éventuel |
Vie civile | Autonomie | Autonomie surveillée | Autonomie surveillée | Autonomie limitée |
Administration des biens | Autonomie | Autonomie sauf exceptions définies | Autonomie | Curateur | Tuteur |
Disposition des biens | Autonomie | Autonomie sauf exceptions définies | Soumis à autorisation du curateur ou du juge | Tuteur sur autorisation du conseil de famille ou du juge |
Testament | Autonomie | Soumis à autorisation du conseil de famille ou du juge |
Annulation d'actes | Annulation judiciaire d'actes anormaux facilitée | Annulation automatique |
Durée | 6 mois (procureur) ou 1 an maximum (juge des tutelles) renouvelable une fois | 5 ans maximum, renouvelable |
Recours | Pas de recours si décision par le juge Recours amiable si décision par le procureur | Appel possible uniquement par la personne concernée (en cas de refus de protection), ou par la personne et par les proches (en cas d'ouverture ou de refus de levée de la protection) |
Publicité | Non | Non | Inscription en marge de l'acte de naissance |
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Au moment du diagnostic de la maladie d'Alzheimer
Quand le diagnostic de la maladie d'Alzheimer est fait, vous pouvez commencer à envisager une protection juridique sous la forme de sauvegarde de justice. Il convient tout d'abord d'en parler avec le malade en envisageant avec lui la question et en mettant en avant d'une part, la protection que la sauvegarde représente quand à des risques que pourraient lui faire prendre des tiers mal intentionnés et d'autre part toute l'autonomie que la sauvegarde lui laisse. Il s'agit là d'une mesure simple visant à protéger le malade contre des actes qu'il aurait décidé en raison de mauvaises informations et qu'il pourrait regretter.
Ensuite, quand la décision est prise, le plus simple est de faire la demande de sauvegarde en liaison avec le médecin traitant du malade et avec le spécialiste (psychiatre ou neurologue, par exemple) qui a diagnostiqué la maladie. Si ce spécialiste n'est pas habilité à réaliser le certificat médical nécessaire, il conviendra de s'adresser à un psychiatre ou de prendre rendez-vous avec un médecin dont la liste, établie par le procureur de la République, pourra être communiquée par le greffe du tribunal de grande instance du lieu de résidence du malade.
La demande de mise sous sauvegarde de justice est à adresser au procureur de la République (tribunal de Grande Instance du lieu de résidence du malade). La demande doit comporter le certificat médical du médecin traitant, le certificat médical du psychiatre, l'identité de la personne à protéger (copie de l'acte de naissance ou copie de la Carte Nationale d'Identité), l'énoncé des faits qui appellent la demande de mise sous sauvegarde. Une copie du livret de famille permet en outre à la justice de connaître l'identité des proches parents et facilite les mesures de protection.
La mise sous sauvegarde par le procureur de la République est automatique et ne fait pas l'objet d'une notification aux intéressés. La sauvegarde est inscrite dans un répertoire spécifique prévu par le Code de Procédure Civile. Il est possible de demander une copie de la déclaration auprès du procureur pour s'assurer de sa mise en vigueur effective.
Il conviendra de demander la prolongation de la mise sous sauvegarde au bout de six mois (elle n'est renouvelable qu'une seule fois).
Il est également intéressant de prévoir avec le malade quelle sera la personne qu'il souhaite voir être chargée de veiller sur lui et sur ses biens pour le jour où son état ne lui permettra plus de le faire entièrement lui-même. Cette volonté pourra rester au stade de l'échange d'information privée ou pourra faire l'objet d'un « mandat de protection future ». L'avantage du mandat de protection future est de signifier explicitement la volonté du malade que la justice est tenue de prendre en compte. Ce document peut être rédigé soit avec l'aide d'un notaire (mandat notarié), soit sous sein privé (contresigné par un avocat ou enregistré à la recette des impôts pour un coût de 125 €). Le mandat sous sein privé soit respecter un formalisme défini par décret. Un formulaire Cerfa est disponible à cet effet. Il peut être téléchargé sur Internet :
http://www.vos-droits.justice.gouv.fr/art_pix/form13592v01.pdf
Au cours du premier stade de la maladie
Quand des difficultés de calcul et de jugement commencent à se manifester chez le malade, il est temps de passer à une protection renforcée qui pourra être soit une demande de sauvegarde judiciaire avec nomination d'un mandataire spécial, soit une curatelle.
La première mesure (sauvegarde avec mandataire) est plus légère que la curatelle. Elle nécessite néanmoins l'intervention du juge des tutelles qui est le seul à pouvoir nommer le mandataire spécial qui sera chargé de gérer et d'administrer uniquement ce qui sera spécifié par le juge.
La seconde mesure (curatelle) est plus lourde que la première : elle nécessite des délais plus importants et un jugement du juge des tutelles (non pas une simple décision).
Dans les deux cas, il faudra disposer d'un certificat médical rédigé par un médecin issu de la liste du procureur de la République (s'adresser au tribunal de Grande Instance).
Ce certificat, dont le coût, fixé par décret, est de 160 € :
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Décrit avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ;
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Donne au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération ;
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Précise les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, ainsi que sur l'exercice de son droit de vote.
Le certificat indique si l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté.
Le certificat est remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles (article 1219 du Code de Procédure Civile).
La demande de mise sous sauvegarde de justice ou de curatelle est à adresser au juge des tutelles du tribunal d'Instance du lieu de résidence du malade. La demande doit comporter le certificat médical spécifique, l'identité de la personne à protéger (copie de l'acte de naissance ou copie de la Carte Nationale d'Identité), l'énoncé des faits qui appellent la demande de mise sous sauvegarde. Une copie du livret de famille permet en outre à la justice de connaître l'identité des proches parents et facilite les mesures de protection.
La décision de mise sous sauvegarde de justice prise par le juge des tutelles est valable jusqu'à un an, renouvelable une fois et elle est notifiée au requérant (demandeur) et au majeur protégé.
La décision de curatelle est valable jusqu'à cinq ans et est renouvelable. Elle est transmise par le greffe du tribunal d'instance « au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations » sous forme d'une notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Au cours du deuxième stade de la maladie
En fonction de l'état du malade, il faudra penser soit à renouveler les mesures de protection prises antérieurement, soit à les renforcer en faisant une demande de curatelle renforcée (autonomie surveillée du malade) ou de tutelle (autonomie limitée du malade).
La procédure est la même que celle à mettre en place pour la curatelle (cf. paragraphe précédent) et se fait auprès du juge des tutelles du tribunal d'instance.
La décision de curatelle ou de tutelle est valable jusqu'à cinq ans et est renouvelable. Elle est transmise par le greffe du tribunal d'instance « au requérant, à la personne chargée de la protection ou à l'administrateur légal et à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations » sous forme d'une notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.